Quelles voies pour un anti-conspirationnisme libre et démocratique?

Soumis par Marie Peltier le sam 02/10/2021 - 12:41
Complotisme et démocratie et Syrie

Ceci est un billet d'humeur, en guise de réponse à la question de ces derniers jours : "Que penses-tu de la nouvelle commission en France sur la lutte contre le conspirationnisme?". Comme souvent, je livre ces lignes de manière brute, puisque je n'ai de toutes façons rien à cacher en la matière.

 

La commission « anti-complotisme » mise sur pied par le gouvernement français ? Ce que j’en pense ne changera rien à la donne mais c’est sans doute l’occasion de rappeler qu’avoir une approche politique du conspirationnisme contemporain nécessite une éthique de travail et plus largement une éthique d’être. C’est personnellement le centre de mon engagement et de ma réflexion et bien sûr, ce n’est pas confortable, et bien sûr cela ferme certaines perspectives… pour en ouvrir d’autres.


Ce serait mentir si je disais que depuis que je travaille sur ces questions, je n’ai pas été « approchée » par des organes gouvernementaux. J’ai pu accepter des entretiens où j’expose ma vision, bien sûr – si on travaille sur ces questions, c’est quand même pour prendre part au débat, ce serait hypocrite de la jouer « moi je travaille dans ma caverne, je ne communique avec personne ». Par contre, j’ai toujours refusé de travailler « pour » ou « au nom de », et c’est au cœur même de la parole que je désire livrer.


Deux raisons principales à cela :


-    Le complotisme est une remise en question de la parole d’autorité. Je n’ai jamais cru que la posture consistant à réaffirmer une quelconque autorité soit non seulement efficace, mais plus encore efficiente. Il y a évidemment là-dedans des enjeux de pouvoir (et d’argent aussi, cela va de pair) et c’est somme toute assez logique puisque le complotisme est un symptôme politique. Le politique charrie son lot de jeux d’influence, c’est la vie et c’est comme ça. Mais à titre personnel, si j’ai une influence à exercer, je désire profondément le faire en dehors de logiques d’asservissement et d’aliénation, et ce à tous les niveaux. En gros, je ne crois pas que réaffirmer un rapport de domination puisse permettre de s’affranchir d’une quelconque domination. Quand on croit à l’émancipation, on se doit à mon sens de ne pas s’inscrire en faux avec cette dernière.

-    Il n’est pas concevable à mes yeux de travailler en collaboration ou aux côtés d’un président qui a notamment affirmé que « Assad n’est pas notre ennemi, mais celui du peuple syrien ». Bien sûr mes détracteurs diront que je suis obsédée par la Syrie, et que cela n’a rien à voir. Alors que pour moi cela à tout à voir. Pour s’opposer au conspirationnisme, comme au terrorisme d’ailleurs, je pense profondément que nous avons à réaffirmer le caractère non-négociable de la lutte démocratique. C’est cette dernière qui est attaquée. Concéder la moindre chose à cet égard nous place automatiquement du côté des pourfendeurs de la liberté. Et je ne crois pas à un anti-conspirationnisme qui se place de ce côté-là du curseur. 


Tout cela est non-négociable à mes yeux. On ne luttera pas contre le complotisme en faisant comme si les révolutions arabes n’avaient pas existé, et plus loin encore comme si ce n’était pas elles qui nous avaient montré la voie. La dernière décennie nous a remis à notre place. Hors de question de faire comme si on pouvait zapper ces 10 ans de bousculement profond. 


Ne pas être réactionnaire, c’est ne miser sur aucune « restauration » de notre posture. Ça fait quand même un paquet d’années que je répète cela contre vents et marées. Ce que je pense de cette commission peut être au fond résumé à cela.