Communiqué d'ActionSyrie au sujet de Soumaya Hallak

Soumis par Marie Peltier le mar 11/01/2022 - 11:11
Soumaya Hallak récompensée à Damas par le Ministre syrien de la culture

COMMUNIQUE D’ACTIONSYRIE AU SUJET DE SOUMAYA HALLAK :


Voici la réponse que nous avons adressée en ce jour à Maître Etienne Vauthier, conseil de Madame Soumaya Hallak, à son courrier reçu le 24 décembre dernier.


ActionSyrie réaffirme son engagement au long cours pour la défense des droits humains et pour la dénonciation de toutes les compromissions avec des régimes coupables de crimes de guerre.


Le combat continue.

 

Bruxelles, 11 janvier 2022


Cher Maître, 

Nous avons bien reçu votre courrier daté du 24 décembre où il est question d’une médiation avec Madame Hallak pour « éviter un éventuel recours aux procédures judiciaires ». Nous voulons y répondre brièvement, sur la forme d’abord, et sur le fond ensuite.


Sur la forme, nous constatons depuis plusieurs mois la tendance de plus en plus prégnante au recours à la justice pour tenter de faire taire les militants en lutte contre les pouvoirs autoritaires, particulièrement russe et syrien. Cette question était notamment l’objet d’une récente tribune dans Libération. Cette évolution nous semble inquiétante en démocratie où d’une part la liberté d’expression est un pilier et où d’autre part la lutte contre la désinformation et la propagande est un enjeu plus central que jamais. La multiplication de ces procédures-baillons est un fait interpellant.


Le seul objectif de notre collectif, fondé il y a 10 ans, est de sensibiliser l’opinion publique à la question de la répression féroce que le régime Assad fait subir à tou.te.s les Syrien.ne.s qui osent s’opposer à lui. Notre perspective est double : dénoncer les atteintes aux droits humains en Syrie et dénoncer la propagande de la dictature au pouvoir. 


Dans cette perspective, nous tirons aussi la sonnette d’alarme au sujet de toutes celles et ceux – qu’ils soient issus du monde politique, médiatique, universitaire ou culturel – qui dans nos pays participent d’une banalisation des relations avec ce pouvoir criminel. C’est dans ce cadre que nous nous exprimons au sujet de Madame Hallak. 


Ce travail de sensibilisation est un droit fondamental en démocratie : Il s’agit tout simplement du droit au militantisme en faveur des droits humains. Rappelons qu’interpeller une institution est un droit citoyen et que chaque institution contactée jouit par ailleurs de son libre arbitre.


Nous ne permettrons pas que des personnes œuvrent au sein de nos institutions à rendre ce régime « fréquentable ». 


En ce sens, les déclarations du collectif au sujet des activités de Mme Hallak relèvent manifestement de la liberté d’expression, garantie par l’article 10 de la CEDH. S’agissant en l’espèce d’un discours politique relevant de l’intérêt général, il ne peut être admis de restrictions injustifiées à cette liberté fondamentale et nous vous renvoyons à cet égard à la jurisprudence constante de la CEDH (voir notamment Wingrove c/ Royuame-Uni, n°17/41990, 26 novembre 1996, §58). 

Sur le fond et à la lecture de votre courrier, nous voulons d’emblée préciser certaines choses :

Concernant, le travail humanitaire mené par Madame Hallak : Œuvrer dans des zones tenues par le régime syrien et entrer et sortir de manière régulière de la Syrie, c’est de fait accepter de collaborer avec les autorités locales. Ceci est un fait difficilement contestable. Par ailleurs, à Alep, Madame Hallak travaille de manière étroite avec les Maristes Bleus, une organisation qui ne cache aucunement sa collaboration avec le régime. 

Concernant sa présence le 17 juillet dernier à la cérémonie d’investiture de Bachar el-Assad : Il ne s’agit pas d’accusations mais d’un fait. Par ailleurs, il n’est que l’un des derniers épisodes que nous avons mis en lumière. Rappelons notamment la participation active de Madame Hallak à la cérémonie de la reprise de la ville d’Alep par le régime le 17 avril 2018, au cœur de sa célèbre citadelle. Cérémonie où Madame Hallak a chanté devant un nombre important de responsables politiques de Damas, et accordé une interview à un média du régime. Rappelons aussi que Madame Hallak a été mise à l’honneur par les Ministres syriens de la culture et du tourisme en personne le 23 novembre 2020 à l’opéra de Damas, comme en attestent des photographies relayées par plusieurs médias du régime syrien. Rappelons enfin son implication tout aussi active dans le projet théâtral « Les Chutes d’Alep » qui devait être joué en Suisse en mars dernier, dont les représentations ont été annulées après une polémique sur les positions pro-Assad de sa metteure en scène. Il y a beaucoup d’exemples de ce type, que nous avons tous documentés à l’aide de documents photographiques, vidéographiques et écrits. 

Concernant enfin le fait que Madame Hallak aurait souhaité « à plusieurs reprises » débattre de tout cela avec nous : Au mieux de nos connaissances, ceci est inexact. La seule fois où une rencontre a été envisagée, c’était en effet au moment de l’épisode du théâtre Le Public. Il s’agissait en fait d’une tentative de « sortie de crise » de la part de la direction du théâtre. Proposition que nous avons déclinée pour une raison de fond : Notre collectif porte une vision antifasciste et cette vision enjoint des limites au débat. Nous n’avons jamais accepté de dialoguer avec des personnes qui sont en lien avec le régime de Damas car il s’agit d’un pouvoir politique criminel, qui met par ailleurs directement en danger les militants syriens vivant dans nos pays. Rappelons par ailleurs qu’un tel « dialogue » ne serait aucunement possible dans la Syrie de Bachar el-Assad.

Nous contestons dès lors fermement les accusations de Mme Hallak quant à une prétendue diffamation. Nous dénonçons une réalité factuelle, notre seule intention étant de dénoncer les graves violations de droits fondamentaux perpétrées au quotidien par le régime de Bachar el-Assad et de dénoncer ceux et celles qui à l’étranger, et singulièrement dans les pays européens, collaborent avec ce régime criminel. 


Pour terminer, et par cohérence avec notre vision, nous ne souhaitons pas d’une médiation confidentielle avec Madame Hallak. De manière générale, nous ne souhaitons pas « débattre » avec des personnes coopérant avec un régime coupable de crimes de guerre. Par ailleurs, nous estimons que la lutte en faveur des droits humains se mène à la lumière de tous et l’avons de notre côté toujours menée publiquement. Nous continuerons à mener cette lutte de la même manière tant que la dictature sévira en Syrie et ailleurs.


Nous nous réservons par ailleurs le droit, si des démarches judicaires devaient être entreprises par votre cliente, d’en faire, d’une part, la publicité pour en dénoncer le caractère de procédure-bâillon et de réclamer, d’autre part, des dommages et intérêts.  

En vous assurant de nos sentiments respectueux,
Pour ActionSyrie (Collectif citoyen de soutien à la révolution syrienne fondé en 2012) : 
Yahia Hakoum, Marie Peltier, Simone Susskind